Une matière peu appréciée

S’il y a une chose qui fait l’unanimité, c’est bien que dans l’ensemble, les développeurs n’aiment pas l’intégration. Au cours de mes quatre années d’enseignement, mes élèves me faisaient vite savoir (ou le faisaient en tous cas ressentir) que ce n’était pas leur matière favorite. Et moi-même en tant qu’étudiant je dois bien avouer que je n’aimais pas ça, et même que j’étais loin d’être bon (avec une moyenne de 13 environ).

Si je m’y suis mis à la base, c’est justement parce qu’on m’avait proposé un module d’intégration de deux semaines chez HEC, et que j’avais grandement besoin d’argent. Deux semaines d’introduction pour des novices, je me suis dit que j’en avais les compétences. Du coup j’ai préparé des cours, j’ai rédigé des exercices, et évidemment je me suis entraîné à les réaliser. Et quand l’année suivante on m’a proposé de donner une année de cours chez SUP’Internet, je m’y suis mis encore plus sérieusement.

À raison de 7h de train A/R à chaque journée de cours, j’avais beaucoup de temps à tuer. Et avec le manque de réseau sur les rails, le meilleur moyen de passer le temps était de faire des petits projets en CSS. Un constat alors assez bête se fit: pour être bon en intégration il faut pratiquer. Contrairement à d’autres langages, il est très difficile de comprendre l’intégration avec de la théorie. Ici pas d’algorithmes: il faut savoir positionner ses éléments, les hiérarchiser et comprendre comment se servir des unités de mesures.

Une aubaine professionnelle

Un des avantages majeurs de ce rejet par les développeurs est qu’il existe assez peu de bons intégrateurs, en tous cas de gens qui apprécient en faire. Beaucoup de mes clients avaient plusieurs développeurs en interne, parfois des excellents en plus. Et pourtant je ne compte plus le nombre de fois où j’ai entendu « je ne sais même pas aligner un bouton horizontalement » ou « on dirait de la magie pour moi ».

Et c’est une des forces de l’intégration: le travail se trouve facilement. Même un bon développeur front ne saura pas forcément intégrer, préférant se concentrer sur la partie Javascript. Il n’est alors pas rare d’obtenir des contrats d’intégration pure pour des back-offices un peu compliqués ou des sites vitrines avec un design un peu recherché. Et pour être honnête ce sont souvent les contrats les plus simples à gérer. Les bugs sont bien plus facilement repérables, et surtout (mais bien sûr ça change en fonction des gens) je trouve que l’intégration demande moins de jus de cerveau. Il faut savoir positionner. Si l’élément n’est pas au bon endroit, on l’y replace. Pas comme de la programmation pure où des bugs peuvent arriver pour des raisons très diverses voire mystiques.

L’intégration, essentielle

Mais surtout: l’intégration n’est plus aujourd’hui un point dont on peut se passer. Le design jour un très grand rôle sur la prétendue qualité de notre site au yeux des utilisateurs. Un site beau avec des bugs passera parfois mieux qu’un site laid mais fonctionnel. Évidemment, l’UX joue un rôle essentiel dans ce que je viens de dire, on ne peut jamais se contenter de l’UI. Mais ce qu’attendent les internautes aujourd’hui c’est de l’esthétisme et de l’efficace.

De très nombreux outils proposent aujourd’hui des interfaces très puissantes pour se passer de développeurs intégrateurs (Elementor, Divi, …). Mais dès qu’on cherche à avoir un design vraiment personnalisé ou quand notre projet ne le permet pas, passer par l’étape d’intégration s’impose.

Si vous êtes freelance vous le savez bien: être multitâche est essentiel. C’est non seulement très recherché, mais surtout plus pratique pour vous et moins cher pour le client. Pas de gestion d’équipe à gérer, pas de multiples factures à envoyer, … Donc même si cela implique une durée de projet plus conséquente un développeur qui sait intégrer ou un designer-intégrateur sera une perle rare aux yeux d’un client.

Alors vous me direz: « Oui mais tes projets sur ton Codepen ils ne servent à rien pour de l’intégration ». Non, effectivement. En revanche c’est avec ce genre de petits projets que j’ai pris goût au CSS. Et c’est ensuite en pratiquant sur de vrais projets que j’ai acquis des compétences en intégration pure. Alors n’hésitez pas, lancez-vous des petits défis, une heure ou deux pas plus, et vous verrez votre niveau grandement augmenter. Une fois de plus: c’est la pratique qui fait le développeur.